Je sais à quel point on peut se sentir démunie face à la douleur et aux choix pendant le travail. J’accompagne depuis des années des femmes qui souhaitent un accouchement naturel ou plus physiologique, et l’un des leviers les plus puissants est… la posture. Dans cet article je vous explique pourquoi les postures qui facilitent le travail comptent, quelles positions essayer à chaque stade, et comment les partenaires et les accessoires peuvent vraiment changer l’expérience.
Pourquoi les postures comptent : physiologie, douleur et confiance
Je commence toujours par rappeler l’essentiel : le corps est conçu pour accoucher. La bonne posture aide la gravité, optimise l’axe du canal pelvien, réduit les tensions musculaires et favorise la circulation, les hormones de naissance et la dilatation. Quand une femme bouge et trouve une position confortable, elle module aussi sa perception de la douleur — ce n’est pas magique, c’est physiologique.
Quels mécanismes en jeu ?
- Gravité : les positions verticales permettent au bébé d’appuyer naturellement sur le col, ce qui favorise la dilatation.
- Ouverture pelvienne : certaines positions (accroupie, à quatre pattes) augmentent le diamètre des sorties pelviennes.
- Relâchement musculaire : la mobilité et des postures relâchantes diminuent la contraction réflexe des muscles périnéaux.
- Flow hormonal : une femme qui se sent soutenue et mobile sécrète mieux ocytocine et endorphines, essentielles au travail efficace et à la gestion de la douleur.
Preuves et recommandations pratiques
- Les recommandations internationales encouragent la liberté de mouvement pendant le travail. Des revues scientifiques montrent qu’être libre de bouger peut réduire la durée du travail actif et diminuer le recours aux interventions instrumentales.
- Ce n’est pas une injonction : chaque femme est unique. L’objectif est de proposer des postures utiles à tester, pas d’imposer une « bonne » manière d’accoucher.
Effet sur la douleur
- Changer de position toutes les 15–30 minutes peut réduire la sensation douloureuse et éviter l’inconfort localisé.
- Les positions favorables réduisent aussi la fatigue, ce qui influe fortement sur la capacité à gérer la douleur lors de la phase de poussée.
Mon expérience de sage-femme
- J’ai vu des mamans passer d’un état tendu et effrayé en position allongée, à une femme active et concentrée après quelques pas, des balancements sur un ballon et une posture penchée en avant. L’évolution n’est pas seulement physique : elle est surtout mentale. Se sentir acteur de son travail change tout.
En bref : penser la posture, c’est penser l’efficacité du travail, la réduction naturelle de la douleur et le respect du rythme physiologique. Dans les sections suivantes je détaille des positions concrètes par stade de travail, des conseils pour les tester et des idées simples pour que votre partenaire participe efficacement.
Postures pour la phase latente et le début du travail : se préserver et favoriser la progression
Au début du travail, l’enjeu principal est de préserver l’énergie, réduire l’anxiété et aider le col à s’ouvrir progressivement. On évite souvent les longues périodes allongées : rester mobile, rester confortable, et écouter son corps sont des clés. Voici des postures efficaces et faciles à intégrer.
Marcher et balancer
- Marcher doucement aide la gravité et le mouvement du bébé dans le bassin. Alternez 10–20 minutes de marche et des pauses assises.
- Le balancement du bassin en marchant ou en se tenant à un appui relâche le bas du dos et stimule les contractions de façon régulière.
Position penchée en avant (appui sur une table/bureau/ballon)
- Appuyez-vous sur une table, une chaise haute, ou un ballon de naissance. Le buste penché réduit la pression lombaire.
- Avantages : soulagement du dos, meilleure respiration, possibilité de se reposer sur les avant-bras entre les contractions.
À quatre pattes (hands-and-knees)
- Excellent pour les douleurs lombaires et la rotation du bébé en position postérieure. Un classique que je recommande souvent quand la maman ressent une pression dans le bas du dos.
- Peut être combiné avec un balancement du bassin (rocking) ou une légère rotation du torse.
Assise sur un ballon ou une chaise
- S’asseoir sur un ballon permet des mouvements doux du bassin, ouvre le bas du dos et prépare le périnée. Sur une chaise, penchez-vous légèrement en avant, reposez les coudes et respirez.
- Astuce : placez une couverture pliée sous le bassin si vous sentez des points d’appui inconfortables.
Couchée sur le côté (position latérale)
- Quand la fatigue arrive, allongez-vous sur le côté, genoux fléchis. Cette position repose le coeur, favorise l’oxygénation et laisse un peu de repos entre les contractions.
- Elle est aussi utile si vous avez une perfusion ou si le monitoring le demande.
Techniques complémentaires
- Respiration longue, expiration vocale (gémissements contrôlés), travail du plancher pelvien détendu.
- Massage lombaire, compresses chaudes, ou application d’une poche chaude sur le sacrum pour soulager les douleurs.
- Changer de position toutes les 20–30 minutes pour éviter l’engourdissement et stimuler le progrès.
Anecdote concrète
- Une patiente, Sophie, est arrivée très fatiguée à 2 cm de dilatation. Après 45 minutes de marche, positions penchées et quelques minutes sur ballon, son col s’est dilaté plus rythmiquement. Se sentir en mouvement lui a remonté le moral et lui a donné confiance.
Quand rester assise ou couchée ?
- Sur recommandation médicale (hypertension, certain monitoring), il peut être nécessaire. Sinon, privilégiez la mobilité. Écoutez votre corps : si vous avez besoin de repos, allongez-vous en position latérale.
En résumé : la phase latente est le moment d’expérimenter postures douces pour économiser de l’énergie, favoriser l’ouverture du col et gérer la douleur de façon active. Le but : arriver à la phase active avec plus de ressources physiques et mentales.
Postures actives pour la dilatation : exploiter la gravité et l’ouverture pelvienne
Quand le travail devient actif (contractions régulières, progression du col), l’objectif change : optimiser la descente du bébé, favoriser une dilatation efficace et réduire la fatigue. C’est le moment d’exploiter la gravité et les postures qui ouvrent le bassin. Voici des positions que j’utilise souvent avec les femmes que j’accompagne.
Positions debout et en mouvement
- Marcher, monter/descendre quelques marches (avec sécurité), ou effectuer de petits pas latéraux aide à positionner la tête du bébé.
- Avantages : favorise la descente, soutient la dynamique utérine, permet de varier la pression sur le col.
Position penchée sur un appui (barre, table, partenaire)
- Se pencher vers l’avant en prenant appui sur quelque chose réduit le poids sur le sacrum et augmente le diamètre antéro-postérieur du bassin.
- Souvent très apaisante pour la douleur lombaire, elle permet aussi de souffler et d’utiliser la respiration diaphragmatique.
Accroupissement (assisté)
- L’accroupissement est l’une des positions les plus « naturelles » pour augmenter l’ouverture pelvienne et utiliser la force des jambes et du plancher pelvien.
- Dans le contexte de la maternité, l’accroupissement peut être assisté par une barre, un partenaire ou un siège d’accouchement. Il est important d’être soutenue pour éviter une fatigue prématurée.
- Astuce : alternez entre accroupi et à quatre pattes si l’accroupissement devient fatigant.
Fente et déplacements latéraux
- Faire des fentes douces ou des pas latéraux (lunge) aide à élargir un côté du bassin, utile si le bébé est légèrement dévié.
- Ces mouvements permettent aussi d’ajuster la rotation du bébé.
À quatre pattes (hands-and-knees) — version active
- Idéale pour les bébés en position postérieure (dos du bébé vers votre dos). Soulage le bas du dos, encourage la rotation antérieure et diminue la pression frontale.
- Combinez rocking du bassin, cercles lents et respirations profondes.
Utilisation du ballon et du rebozo
- Le ballon de naissance est un outil précieux : s’asseoir, rouler le bassin, faire des cercles et s’étirer. Il favorise une respiration plus libre et active les muscles profonds.
- Le rebozo (écharpe) permet de faire des balancements du bassin et un « tambourinage » doux sur les hanches, technique traditionnelle qui soulage intensément.
Tableau synthétique des postures actives
Position | Avantages principaux | Quand l’utiliser |
---|---|---|
Debout / marche | Gravité, progression | Phase active, si pas de contre-indication |
Penchée en avant | Soulage le sacrum | Douleurs lombaires |
Accroupie | Ouvre le bassin | Poussée ou fin de dilatation |
Hands-and-knees | Rotation du bébé | Bébé en position postérieure |
Ballon | Mouvement doux, relâchement | Fatigue, travail prolongé |
Respiration, vocalisation et gestion de la douleur
- Pendant la dilatation active, la respiration rythmée et la vocalisation contrôlée (sons longs) aident à réguler l’effort et la douleur.
- Je demande souvent aux femmes de faire des expirations longues et de laisser échapper un son qui accompagne la contraction — ça crée un rythme et un relâchement musculaire.
Rôle du partenaire et support physique
- Le partenaire peut soutenir en tenant la taille, en offrant un appui pour se pencher, ou en fournissant une contre-pression sur le sacrum.
- Les compresses chaudes, le massage lombaire et les encouragements verbaux sont très efficaces.
Précautions
- Si vous avez une perfusion ou un monitoring strict, discutez avec l’équipe des possibilités de mouvement.
- Si vous êtes très fatiguée, n’hésitez pas à alterner postures actives et repos (position latérale).
En pratique : alternez, observez, adaptez
- Changez de posture toutes les 15–30 minutes si possible.
- Notez ce qui soulage, ce qui fait progresser le travail, et demandez de l’aide pour maintenir les positions plus physiques.
- Rappelez-vous : la mobilité augmente la probabilité d’un travail efficace et d’une gestion naturelle de la douleur.
Pour la poussée et la naissance : positions qui favorisent l’expulsion et protègent le périnée
La phase de poussée est intime et puissante. Le choix de la position influence la mécanique de l’expulsion, la durée de la poussée et le confort. Mon approche est pragmatique : choisir la position qui respecte votre corps, permet d’utiliser vos forces et protège votre périnée autant que possible.
Positions fortement recommandées
- Accroupie (assurée) : c’est l’une des positions les plus efficaces pour élargir le bassin et utiliser la poussée naturelle. Avec un appui (barre, partenaire, cuisses d’un accompagnant), elle permet une bonne ouverture pelvienne et souvent une prise de contrôle par la maman.
- Debout ou demi-debout : le poids du corps aide la descente et permet un contrôle du diaphragme et des poussées. Nécessite un bon appui.
- À quatre pattes (hands-and-knees) : utile si le bébé semble coincé en postérieur ou si vous souhaitez protéger le périnée. Elle permet une poussée plus progressive.
- Sur le côté (position latérale) : très utile pour les mamans fatiguées ou pour réduire l’intensité des poussées. Elle diminue la pression périnéale et peut réduire les déchirures.
- Assise semi-inclinée (sur un siège ou lit) : souvent utilisée en maternité, elle offre un compromis entre effort et soutien.
Technique de poussée : dirigée vs spontanée
- La poussée dirigée (comme « prenez une longue inspiration et poussez fort ») est parfois nécessaire en cas d’anomalie du rythme cardiaque fœtal ou si l’équipe demande d’accélérer la naissance.
- La poussée spontanée (laisser venir les contractions et pousser quand l’envie vient) est souvent plus douce pour le périnée et respecte mieux le rythme du bébé.
- Mon conseil : privilégier la poussée spontanée si tout va bien. Elle demande parfois un accompagnement verbal (respirer, souffler, faire des petites poussées) plutôt qu’une poussée prolongée et forcée.
Protection du périnée
- Techniques manuelles : soutien contrôlé du périnée par la main (technique « main en U ») ou maintien de l’épisiotomie uniquement si nécessaire. Ces gestes doivent être réalisés par une personne expérimentée.
- Compresses chaudes : appliquer une compresse chaude sur le périnée pendant la poussée aide à la circulation et à la détente des tissus.
- Contrôle du rythme : encourager des poussées courtes et répétées plutôt qu’une poussée très longue pour diminuer les risques de déchirure.
Quand changer de position pendant la poussée ?
- Si la progression stagne depuis 20–30 minutes malgré des efforts, il est parfois utile de changer de position : passer d’assise à accroupie, ou se mettre à quatre pattes pour favoriser une rotation.
- Avec une péridurale complète, la position latérale ou semi-assise est souvent la seule option : adaptez les techniques de poussée (poussées plus longues mais guidées).
Rôle de l’équipe et sécurité
- L’équipe doit respecter vos choix et proposer des alternatives si une situation clinique l’exige.
- Si le monitoring montre des signes de souffrance fœtale, la position et la technique de poussée peuvent être adaptées rapidement.
Anecdote d’accompagnement
- J’ai accompagné une maman, Amélie, qui voulait éviter l’épisiotomie. En alternant accroupi et sur le côté, en utilisant compresses chaudes et poussées spontanées, elle a donné naissance en deux heures de poussée efficace avec une déchirure minimale, réparée facilement. Son soulagement et sa fierté étaient immenses.
En résumé : la poussée doit rester un acte guidé par votre ressenti. Choisissez une position qui vous donne de la force, qui protège le périnée et qui permet une délivrance progressive. Avec un accompagnement attentif, vous pouvez maximiser les chances d’une naissance respectueuse et sûre.
Conseils pratiques, préparation et rôle du partenaire
Préparer son corps et ses proches aux postures d’accouchement change beaucoup de choses. Voici des conseils concrets, exercices et rôles à confier au partenaire pour rendre le travail plus fluide, moins douloureux et plus sécurisé.
Préparation à la maison
- Entraînez-vous aux positions pendant la grossesse : marcher enceinte, s’asseoir sur un ballon de naissance, pratiquer des squats assistés et des balancements du bassin. Ça renforce l’endurance et la souplesse.
- Exercices recommandés :
- Squats assistés : 2 séries de 10, 3 fois par semaine (à partir du 2e trimestre si autorisé).
- Ouvertures de hanches (allongée sur le dos, genoux fléchis, semelles jointes) : 10–15 répétitions.
- Marche et montée d’escaliers modérée pour habitude du mouvement.
- Cours de préparation (yoga prénatal, physiothérapie périnéale) : utile pour apprendre la conscience du bassin et la relaxation.
Le rôle du partenaire
- Appui physique : tenir la taille, offrir une barre pour s’accrocher, soutenir en accroupissement.
- Massage et contre-pression : masser le bas du dos, presser fermement sur le sacrum pendant les contractions pour soulager la douleur.
- Respiration et guidance : rappeler les rythmes respiratoires et encourager les poussées spontanées sans panique.
- Logistique : installer le ballon, préparer compresses chaudes, veiller à l’hydratation et au ravitaillement.
- Soutien émotionnel : phrases courtes, rassurantes, présence constante.
Accessoires utiles
- Ballon de naissance : polyvalent pour assise, balancement, appui.
- Tabouret d’accouchement ou barre : pour accroupir en sécurité.
- Rebozo : si vous savez l’utiliser, il offre un soutien pour basculer le bassin.
- Compresses chaudes, huile pour massage, coussins, tapis antidérapant.
Signes d’alerte et quand consulter
- Saignement vaginal abondant, diminution des mouvements fœtaux ou douleur abdominale inhabituelle : consulter immédiatement.
- Fièvre, signes d’infection, ou toute suspicion médicale doivent être traités sans délai.
- Pendant le travail, si la progression stagne trop longtemps, l’équipe peut proposer une évaluation et une adaptation de la posture.
Gestion émotionnelle
- Préparez des phrases et rituels : une playlist, des lumières tamisées, un mot rassurant du partenaire.
- Respiration, visualisations simples (imaginer le bassin qui s’ouvre comme une fleur) et micro-objectifs (tenir la prochaine contraction, atteindre la prochaine chaise) aident à rester concentrée.
FAQ rapide
- « Et si j’ai une péridurale ? » La mobilité est réduite, mais on peut travailler des positions latérales, des appuis et utiliser le ballon selon le degré d’anesthésie.
- « Dois-je m’accroupir si je suis épuisée ? » Non : choisissez la position qui vous permet d’économiser votre énergie (latérale ou semi-assise).
Conclusion encourageante
- Vous pouvez vous préparer et apprendre des postures qui facilitent le travail et apaisent la douleur. L’essentiel : expérimentez pendant la grossesse, communiquez avec votre équipe, et choisissez ce qui vous semble juste le jour J. Je suis là pour répondre à vos questions et vous aider à composer votre plan de naissance — vous n’êtes pas seule, et votre corps sait bien faire le travail.
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